Le 3 février dernier la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS) a publié sur le site du ministère de l’Autonomie une foire aux questions, FAQ, afin de fournir des informations sur l’application du décret du 25 avril 2022 régissant le CVS.
Cette FAQ a été introduite durant la crise du Covid afin d’apporter des réponses concrètes aux nombreuses questions des établissements sur les consignes à adopter. Elle n’est pas diffusée aux établissements.
Si cette FAQ, Foire Aux Questions, clarifie certains points comme la catégorie des ESMS pour lesquels le CVS reste obligatoire, elle introduit de nouvelles zones d’ombre là où notre concertation « CVS concert’ » attendait des points d’éclaircissement.
Afin d’aider chacun à s’y retrouver, nous reprenons ici quelques questions importantes posées dans cette FAQ. Les points qui interrogent fortement sont surlignés en gras. Nous les faisons suivre de l’extrait du code de l’action sociale auquel ils se réfèrent puis, nous ajoutons nos commentaires.
Question 1 posée à la DGCS : Qui peut siéger au sein des CVS ?
La réponse de la DGCS :
En priorité les membres du CVS sont, selon l’article 311-5, les représentants des personnes accompagnées, du personnel de l’établissement et de la direction de l’organisme gestionnaire, ce qui constitue un socle de 4 membres.
Ce que dit le CASF (Code de l’Action Sociale et des Familles) article D 311-5 :
Le conseil de la vie sociale comprend au moins :
1. Deux représentants des personnes accompagnées.
2. Un représentant des professionnels employés par l'établissement ou le service élu dans les conditions prévues à l'article D. 311-13.
3. Un représentant de l'organisme gestionnaire.
Notre commentaire :
Le terme « direction de l’organisme gestionnaire » n’est pas celui retenu par le CASF. Nous savons par expérience qu’il existe des cas de litiges dans des grands groupes d’établissements ou le directeur d’établissement est désigné par l’organisme gestionnaire comme son représentant au CVS. Cette fonction est incompatible avec le rôle consultatif qui lui revient sachant que le représentant de l’organisme gestionnaire intégré au socle du CVS peut être amené à prendre part à des décisions qui concernent les attributions du CVS.
Suite de la réponse à la question 1 posée à la DGCS : Qui peut siéger au sein des CVS ?
Or le texte prévoit également, dans cet article et dans l’article 311-17, que pour pouvoir réunir valablement le CVS la représentation des personnes accompagnées doit être supérieure à la moitié. Cela implique qu’il faut, a minima, désigner un représentant parmi les possibilités suivantes :
o Un représentant de groupement des personnes accompagnées de la catégorie concernée d’établissements ou de services au sens de l’article L 312-1.
o Un représentant des familles ou des proches aidants.
o Un représentant des représentants légaux (réservés aux mineurs) et/ou un représentant des personnes chargées d’une mesure de protection juridique avec représentation.
Ce que dit le CASF article D 311 – 10 :
Sous réserve des dispositions de l'article D. 311-30, les représentants des personnes accompagnées et les représentants mentionnés aux 1° à 4° II de l'article D. 311-5 sont élus par vote à bulletin secret à la majorité des votants respectivement par l'ensemble des personnes accompagnées et par l'ensemble des représentants mentionnés aux 1° à 4° II de l'article D. 311-5. Des suppléants sont élus dans les mêmes conditions.
Notre commentaire :
Le terme de désignation est inexact pour ces 3 catégories de représentants. Le CASF précise bien qu’ils doivent être élus à bulletin secret. Il rajoute d’ailleurs à ces 3 catégories de représentants élus démocratiquement le représentant des mandataires judiciaires qui n’est pas mentionné dans la FAQ. Comme nous l’avons signalé dans notre rapport de concertation, la désignation ne saurait avoir la même valeur démocratique que l’élection, de surcroît lorsqu’elle est effectuée par la direction de l’ESMS.
Question 2 posée à la DGCS : quelles sont les missions et compétences du CVS ?
La réponse de la DGCS :
Le CVS est obligatoirement consulté sur le règlement de fonctionnement de l’établissement et du conseil de la vie sociale, le projet d’établissement et la démarche qualité (article D311-15)
Ce que dit le CASF article D311- 15 :
Il est associé à l'élaboration ou à la révision du projet d'établissement ou du service mentionné à l'article L. 311-8, en particulier son volet portant sur la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance.
Notre commentaire :
Le CVS n’est plus consulté mais associé à l’élaboration du projet d’établissement. Ceci correspond à un niveau supérieur de participation au sens défini par l’ANESM dans son étude sur la participation des usagers dans le secteur médico-social réalisée autour de 2014. Il s’agit désormais d’une co-construction et non plus simplement d’un avis.
Suite de la question 2 posée à la DGCS : quelles sont les missions et compétences du CVS ?
Reprise de la réponse de la DGCS :
Le CVS est obligatoirement consulté sur le règlement de fonctionnement de l’établissement et du conseil de la vie sociale, le projet d’établissement et la démarche qualité (article D311-15)
CASF article D311-19 :
Le conseil (CVS) établit son règlement intérieur dès sa première réunion.
Notre commentaire :
Par ailleurs, dans cette même réponse, le rédacteur de la FAQ créé une confusion entre le règlement de fonctionnement de l’établissement et le règlement intérieur du CVS qui est le terme défini par le CASF.
Il est évident que le CVS ne saurait être « consulté » sur l’élaboration de son règlement intérieur, lequel fait clairement partie de ses attributions propres !
Question 3 posée à la DGCS : qui est compétent pour décider si la nature de l’établissement justifie ou pas de la présence des familles ?
Réponse de la DGCS :
Les familles, si elles le souhaitent, doivent pouvoir siéger mais dans le même temps, il n’y a plus de blocage si les familles ne sont pas présentes.
CASF article D311-5 :
II.- Si la nature de l'établissement ou du service le justifie, il comprend également :
1. Un représentant de groupement des personnes accompagnées de la catégorie concernée d'établissements ou de services au sens du I de l'article L. 312-1 ;
2. Un représentant des familles ou des proches aidants des personnes accompagnées ;
3. Un représentant des représentants légaux des personnes accompagnées ;
4. Un représentant des mandataires judiciaires à la protection des majeurs dans les établissements et services relevant du 14° du I de l'article L. 312-1 ;
5. Un représentant des bénévoles accompagnant les personnes s'ils interviennent dans l'établissement ou le service ;
6. Le médecin coordonnateur de l'établissement ;
7. Un représentant des membres de l'équipe médico-soignante.
Le nombre des représentants des personnes accueillies, d'une part, et de leur famille ou de leurs représentants légaux, d'autre part, doit être supérieur à la moitié du nombre total des membres du conseil.
Nos commentaires :
La question posée est de savoir qui est compétent pour décider si la nature de l’établissement justifie ou non la présence des familles. Le décret du 25 avril 2022 dit « si la nature de l’établissement ou du service le justifie. » Mais rien dans le décret ne permet aujourd’hui de répondre à cette question. Quels sont les critères officiels et objectivables qui permettent de répondre à la question ? Il s’agit de savoir, dans la liste des établissements définis à l’article L312. 1 du CASF, quels sont ceux dont la nature « justifie » la présence des familles et selon quels critères.
Il est très étonnant de lire que , selon la FAQ de la DGCS, la présence des familles ne se ferait plus en fonction de la nature de l’établissement, comme indiqué ci-dessus, mais selon le souhait ou le bon vouloir des familles ! Cette interprétation semble contraire à une autre affirmation de la FAQ elle-même quand elle écrit que le décret du 25 avril 2022 répond « à une volonté politique de donner davantage la parole aux personnes et à leurs proches ».
Faut-il redire encore que le ou les représentants des familles sont élus selon les règles démocratiques en vigueur comme spécifié dans le décret et que malheureusement leur nombre est passé de 2 à 1 minimum avec le nouveau décret.
Par ailleurs, pour que les familles « souhaitent » intégrer ou plus justement présenter leurs candidatures aux élections du CVS, il apparaît nécessaire qu’elles aient eu une information claire sur les missions de l’instance participative, ce qui est loin d’être généralisé et ce qui nous renvoie à un autre volet important de notre rapport de concertation, le besoin d’information et de formation.
Question 4 posée à la DGCS : que signifie la notion de groupement des personnes accompagnées ?
Réponse de la DGCS :
Cette notion a été retenue pour élargir la représentation au-delà des seules associations de type loi 1901 et prendre en compte d’autres formes de regroupements tels que les collectifs.
Cela permettra notamment à des représentants des proches de pouvoir poursuivre leur mandat y compris après le décès de leur proche dès lors qu’ils se constitueront en groupe libre.
Notre commentaire :
Aujourd’hui, un représentant des familles est élu pour un mandat au CVS. Sa mission est de représenter l’ensemble du collège des familles et des proches aidants pour la durée du CVS. Rien ne dit dans le CASF qu’il doive cesser son mandat au décès de son proche. Il ne s’agit clairement pas d’une représentation individuelle mais d’une représentation de tout son collège. Afin d’éviter tout litige, il ne peut qu’être conseillé d’inscrire cette disposition dans le règlement intérieur du CVS.
La proposition de se constituer en groupement de personnes accompagnées pour poursuivre son mandat est pour le moins surprenante étant donné qu’un représentant d’un groupement a pu déjà être élu et que les deux mandats sont notoirement différents.
En conclusion et en complément de notre rapport de concertation remis au Ministère, nous craignons fortement que cette foire aux questions, à laquelle ne manqueront pas de se référer nombre de directions et de Président de CVS souhaitant installer un CVS conforme aux dispositions réglementaires, vienne rajouter à une confusion dont il risque d’être difficile de sortir.
Pascal Le Bihanic et Joseph Krummenacker, le 7 mars 2023
Je partage cette analyse des incohérences de la FAQ et le regret / la déception que nous avons de constater que les réponses aux questions posées par ??? ne sont pas à la hauteur de la volonté affichée d'introduire plus de démocratie dans les structures médico-sociales et de faciliter la parole et l'investissement des principales personnes concernées par leur fonctionnement: les résidents et leurs proches (familles ou proches aidants). Un autre regret: l'absence de perspective, notamment sur la représentation et la parole des usagers dans les services à domicile. A quand des CVS dans ces services? Pourquoi les expériences positives qui sont mises en oeuvre ne sont pas relayées et développées?
Ce travail d'analyse que vous avez co-animé est très…