Dans un précédent mail nous vous avions sensibilisé (les membres de la concertation nationale sur la démocratie médico-sociale et le CVS) au risque de voir imposé le modèle sanitaire de la démocratie au secteur médico-social à partir d'une contribution de France Asso Santé visant la mise en place de CDU en lieu et place des CVS jugés inopérants.
Nous vous avions alors suggéré la création de France Démocratie médico-sociale, visant une procédure d'agrément spécifique des associations de notre secteur pour siéger dans les différentes instances de démocratie (CDCA, CRSA, CVS, etc.… ). Nous vous proposons ici un résumé des récents évènements sous l'angle des orientations de notre collectif :
- Le rapport Frémont sur le droit de visite en EHPAD, pour lequel nous n'avons pas été consulté, a repris en grande partie les recommandations de FAS et l'argumentaire en défaveur du CVS. Notre proposition de consultation obligatoire du CVS pour toute restriction collective des droits des usagers pourtant validée par les états généraux des maltraitance (EGM), n'a pas été reprise.
- La loi bien vieillir adoptée le 27 Mars dernier n'a pas plus sanctuarisé la promesse d'une loi de programmation financière pluri annuelle sur le Grand Age qu’elle n'a abordé les questions de démocratie médico-sociale totalement absentes des enjeux sur le bien vieillir. Par contre, nous sommes presque rassurés de savoir que les perruches ont désormais droit de cité en EHPAD...
- La Stratégie Nationale de lutte contre les maltraitances attendue depuis Octobre dernier, où nous avions assisté au ministère, pour 3 d'entre nous, aux conclusions des EGM en présence de 5 ministres et avec la satisfaction de voir repris 2 de nos 10 propositions, a été présentée manu militari à l'issue d'un reportage à scandale dans un IME, le 25 Mars dernier.
Le document ministériel s'est contenté d'une formule très généraliste dans son Axe1.1 : " Conforter le rôle des conseils de la vie sociale des établissements en matière de veille sur les droits et libertés". On ne sait pour l'heure avec quels moyens, quelles décisions. Nous pouvions attendre, et nous attendons, d'un document cadre stratégique des objectifs stratégiques précis tels que les 2 nôtres retenus par les EGM dans le document de synthèse suite aux nombreux entretiens de notre collectif menés notamment auprès de conseillers ministériels. Objectifs que nous rappelons ici :
4-6 : Former les membres élus et les nouveaux membres des conseils de la vie sociale pour faciliter l'exercice de leur mandat
4-5 : Rendre obligatoire la consultation des conseils de la vie sociale avant toute décision interne restreignant les droits et libertés des personnes accueillies
Toutefois le seul document disponible est celui d'un communiqué de presse, je prévois d'interroger Alix de Roubin, remplaçante d'Alice Casagrande au ministère, pour savoir si un document autre existe dont nous pourrions avoir connaissance.
- Le décret du 29 février 2024 relatif au projet d'établissement précise dans son article D. 311-38-4 : le projet d’établissement est établi et révisé après consultation du conseil de la vie sociale...
Les termes de ce nouveau décret intégré au CASF depuis le 3 mars est en contradiction avec le décret du 25 avril 2022 relatif au CVS article D3115 - 2° dont il fait référence :
" Le CVS est associé à l'élaboration ou à la révision du projet d'établissement". Cette nuance est d'importance puisque nous ne sommes pas du tout au même niveau de participation mis en évidence par la HAS, ce qui semble échapper à la DGCS qui a préparé le décret. Ce ne peut être qu'un hasard puisque ce sont aussi les termes de la FAQ sur le CVS dont nous avions dénoncé les nombreux contresens juridiques et pour lesquels Alice Casagrande avait affirmé qu'ils devaient être modifiés sans délai.
Ce rétropédalage en matière de niveau de participation du CVS à un document cadre essentiel des ESMS, est de nature à nous interpeller sur la réelle volonté du Ministère de faire progresser la démocratie médico-sociale comme le Ministre Jean Christophe Combe nous l'avait laisser espérer. -
Enfin, et c'est l'objet essentiel de notre interpellation avec Séverine Laboue, Jacques Rastoul et Joseph Krummenacker, la conférence nationale de santé (CNS) vient de remettre à la Ministre Fadila Khattabi, le 2 avril dernier, un rapport intitulé " Démocratie en santé : quelles réponses aux situations de maltraitance ?" qui est extrait du rapport de la CNS publié en Novembre dernier.
Nous vous invitons à découvrir les pages 14, 15, 16 du rapport joint.
Quelques morceaux choisis :
" Le CVS est une instance de gestion du quotidien, pas faite pour le traitement des dysfonctionnements graves" reprenant ici les propos de FAS que nous avions déjà dénoncés dans notre plaidoyer pour FDMS. Cette réduction des missions du CVS nous interroge fortement puisque l'article D311-15 affirme : " Le CVS donne son avis et peut faire des propositions sur toute question intéressant le fonctionnement de l'établissement ou du service notamment sur les droits et libertés des personnes accompagnées".
En fait nous observons qu'il y a un amalgame entretenu entre les dysfonctionnements et les faits de maltraitances individuelles dont la stratégie nationale est essentiellement l'objet, tout comme ce document de la CNS. Les uns comme les autres peuvent avoir un caractère de gravité. Si le CVS est dimensionné pour traiter des formes de maltraitance institutionnelles qui, dans l'affaire Orpéa, sont de l'ordre de malversations, nous reconnaissons qu'il ne peut aborder les situations individuelles, ce qu'une instance telle qu'une CDU pourrait résoudre.
En tout cas, nous réaffirmons fermement qu'une "CDU médico-sociale" ne saurait se substituer au CVS !
" Il ressort de nos auditions que la crainte des représailles mentionnées par les proches des personnes accompagnées est particulièrement élevée, en proximité comme au niveau de l'établissement concerné" Comment oser utiliser cet argument pour justifier l'inutilité du CVS Quid de notre proposition de créer un statut de protection des représentants d'usagers au CVS à l'instar des représentants du personnel au CSE (contribution aux EGM non retenue) ? La création d'une commission des usagers médico-social laisse penser que les usagers seraient confrontés aux mêmes difficultés de peur des représailles, sauf à ce qu'ils soient représentés par des associations d'usagers issues du sanitaire, agrées et réunies par FAS et sans aucun lien avec l'établissement concerné...
En n'accordant pas les moyens nécessaires à son fonctionnement (formation des élus, absence de sanction lors de désignation des représentants usager en lieu et place d'élections, etc...), le CVS est cantonné à n'évoquer que les questions de qualité de repas, ou de linge perdu, qui peuvent par ailleurs avoir aussi leur importance.
Il est établi que, dans l'affaire Orpéa, qui est un cas de maltraitance institutionnelle, donc d'atteinte aux droits collectifs, le CVS muselé et dans l'opacité de la gouvernance, n'a pu jouer son rôle de lanceur d'alerte auprès des autorités.
Alors qu'aucune évaluation du décret du 25 avril 2022 n'est entreprise au sujet des avancées qu'il était supposé contenir notamment sur l'ouverture aux groupement de personnes accompagnées ou aux personnes extérieures ( PQ, DDD, ARS, CD, élus) mais aussi sur les nouvelles obligations (transmission du relevé de conclusion à l'ARS, rapport annuel du Président, etc...), nous pouvons nous interroger tres sérieusement sur la pertinence de ces propositions qui coupe l'herbe sous le pied au décret du 25/04/22 alors qu'avec un peu d'huile dans les rouages comme l'a exprimé avec talent Séverine dans un post sur LinkedIn, on pouvait très largement améliorer la situation.
Le rapport détaille ensuite page 16 les mesures expérimentales pour le secteur public et privé. L'idée de faire siéger la CDU médico-sociale au sein des hôpitaux de proximité ne nous paraît pas une perspective particulièrement réjouissante et témoigne d'une nouvelle poussée de l'hôspitalo-centrisme tant de fois décrié par le secteur médico-social. Nous défendons le principe d'une représentation croisée CVS/ CDU au sein des Ehpad publics hospitaliers tel que pratiqué au sein du groupe hospitalier de Loos Haubourdin et ailleurs.
Comme nous le défendons, le CVS a la vocation aussi d'être un lieu d'intelligence collective issue d'une volonté de transparence à l'initiative des directions sur les enjeux de l'établissement. Imaginer qu'une CDU puisse se substituer au CVS constitue une atteinte sévère aux spécificités de la démocratie médico-sociale qui ne saurait se fondre dans la démocratie sanitaire.
A noter que le mercredi 25 avril, je présenterai les travaux de notre collectif lors d'un webinaire organisé par Gérontonews "Faire vivre la démocratie participative en EHPAD" en présence d'une représentante de la HAS et d'une cadre de l'hopital de Séverine qui ne manquera pas de réenchanter notre instance fétiche. N'hésitez pas à vous inscrire préalablement via ce lien :
Bien à vous, Pascal Le Bihanic
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